quinta-feira, 4 de janeiro de 2007

Jean-Yves Camus: «Altermondialisme et gauche radicale face au différentialisme»

«La visibilité accrue, en France en tout cas, de la mouvance altermondialiste et de la gauche radicale, le contenu d'un certain nombre de forums sociaux, la mobilisation d'une bonne partie de ces courants sur des thèmes tels que les droits des minorités ethniques et linguistiques, le droit à la différence et les formes que doit prendre l'intégration, auraient du soulever une question de fond: celle de l'attitude de ces familles politiques face à ce qu'on nomme le différentialisme, c'est-à-dire le projet idéologique qui consiste à promouvoir une société dans laquelle l'unicité du genre humain, l'égalité juridique entre les individus et la citoyenneté disparaissent au profit de la valorisation de ce qui sépare, c'est-à-dire les aptitudes intellectuelles et physiques données comme innées, et aussi l'appartenance ethnique, raciale ou religieuse.
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On peut résumer la question ainsi: de quel point de vue critique-t-on la mondialisation? En conteste-t-on principalement les modalités, c'est à dire la financiarisation de l'économie planétaire, l'hégémonie de l'ultra-libéralisme, la spéculation des grands fonds d'investissements internationaux, ou en conteste-t-on le principe même, c'est-à-dire l'idée selon laquelle il devrait avoir un monde sans frontières étatiques, où les Nations disparaîtraient et où les cultures, voire les langues, seraient uniformisées?
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Le problème est qu'une partie de cette gauche répond à ce constat en proposant des modes de résistance hautement contestables à la globalisation. Le premier, on le voit avec les théories du Socialist Workers' Party britannique sur l'islamisme, reprises en France par une fraction de l'extrême-gauche trotskyste (Socialisme par en bas en particulier), c'est que l'islamisme est un phénomène de résistance identitaire à la globalisation et à l'impérialisme, un réflexe de refus des peuples arabo-musulmans face à l'alignement sur son mode de vie que tenterait de lui imposer l'Occident. Or l'islamisme possède bien une dimension identitaire, qui s'exprime par le «bricolage religieux» dont parlent Gilles Kepel et Olivier Roy, mais c'est aussi une doctrine théologico-politique dont, personnellement, la dimension «progressiste» me laisse fort perplexe.
Le second schéma d'analyse problématique, c'est celui qui concerne la nature de l'hyper-puissance américaine. (...) C'est une chose légitime que d'expliquer l'intervention américaine en Irak par le poids du lobby pétrolier et les profits escomptés par Halliburton; c'est une chose nettement moins acceptable d'expliquer que les attentats du 11 septembre sont le résultat d'un complot conjoint des néo-conservateurs (forcément juifs), des Skulls and Bones et du Mossad…
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Que signifie aussi la rhétorique «indigéniste», celle des Indigènes de la République ou du Mouvement de l'Immigration et des Banlieues, qui trouve un écho complaisant à gauche de la gauche et qui enferme les français issus de l'immigration qui y adhèrent dans le ressassement sans fin du passé colonial et le ressentiment envers la France? Tout simplement, cela signifie qu'il existe un risque de voir le mouvement alter et la gauche radicale oublier la dimension proprement politique de leur lutte, celle qui devrait viser à l'instauration d'un ordre économique et social prenant davantage en compte les besoins des citoyens, au profit d'une véritable tyrannie de la diversité et des droits des groupes, qu'ils soient religieux, ethniques, linguistiques ou de genre, plutôt que des droits politiques, économiques et sociaux des individus.
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