sexta-feira, 22 de setembro de 2006

Peña-Ruiz: «L'erreur de Benoît XVI»

«De quel côté, dans l'histoire humaine, se sont trouvés le rejet de la raison et le recours à la violence pour imposer la religion? Prétendre, comme l'a fait le pape Benoît XVI à Ratisbonne, que l'islam seul est en cause relèverait d'un singulier oubli. D'abord, il y a évidemment injustice à confondre islam et islamisme. Comme il y en aurait à confondre la foi chrétienne et le cléricalisme catholique, inspirateur des guerres de religion, des croisades, des bûchers de l'Inquisition, de l'Index des livres interdits, et de l'antijudaïsme converti en antisémitisme sans qu'un tel glissement soit dénoncé.
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Ensuite, on ne peut passer sous silence le fait que l'idée de répandre la foi par le glaive a été soutenue par des théologiens chrétiens autant que par certains islamistes. Saint Anselme lui-même affirmait que l'Eglise doit user de deux glaives : le glaive spirituel de l'excommunication et le glaive temporel du châtiment corporel, allant jusqu'à la mise à mort des hérétiques et des mécréants. «Tuez-les tous! Dieu reconnaîtra les siens»: c'est la réponse effectuée par le légat du pape, Arnaud Amaury, à ceux qui, lors du siège de Béziers, en 1209, souhaitaient distinguer les catholiques des hérétiques. On trouve la fameuse expression sous la plume de saint Paul: «Le Seigneur connaît les siens» (IIe Epître à Timothée). Saint Augustin n'était pas en reste, qui affirmait: «Il y a une persécution juste, celle que font les Eglises du Christ aux impies... L'Eglise persécute par amour et les impies par cruauté.
(...)
Le contraste mis en exergue par Benoît XVI ne tient donc que sur la base de deux arguments peu recevables: d'une part, la thèse de la solidarité historique entre christianisme et raison. D'autre part, le silence fait sur l'islam des Lumières, notamment celui d'Averroès, qui reconnaissait à la raison humaine le pouvoir d'interpréter les versets du Coran lorsque leur sens littéral la heurte (voir le Discours décisif).

Quant à la récente déclaration attribuée à Al-Qaeda qui s'en prend à la laïcité en y voyant une invention des «
croisés», elle révèle également une singulière erreur historique. L'idéal laïque, on le sait, stipule l'égalité de principe des divers croyants, des athées ioupiopioet des agnostiques, en même temps que leur liberté de conscience. Il fut conquis, en France, non contre le christianisme, mais contre le cléricalisme catholique qui prétendait dicter la loi au nom d'une foi. Bref, si l'on veut, contre les modernes «croisés». Les lois laïques de séparation ont reconduit la manifestation de la foi à la sphère privée, individuelle ou collective, des seuls fidèles. Ce qui est du ressort de la foi de certains ne peut s'imposer à tous. Dans cet esprit, les crucifix, notamment, furent ôtés des monuments publics, afin que tous les citoyens, quelle que soit leur conviction spirituelle, puissent se reconnaître à égalité dans un espace commun, soustrait à la tutelle particulière d'une confession. L'exigence de neutralité des institutions communes à tous leur permet d'assumer pleinement leur raison d'être : promouvoir ce qui est d'intérêt commun. Il n'est donc pas exact de voir dans une telle conquête une victoire des «croisés».
Quelle est l'erreur commune au pape et à Al-Qaeda ? Celle qui consiste à se référer à des traditions closes, territorialisées, et à confondre les civilisations avec les religions. Prétendre que les «bonnes valeurs» sont d'un lieu particulier est irrecevable. On tend ainsi à dresser les uns contre les autres les groupes humains, comme le fait l'ouvrage de l'idéologue américain Samuel Huntington, le Choc des civilisations, en hiérarchisant des «cultures» traitées comme des blocs monolithiques.
(...)»
(Henri Peña-Ruiz no Libération de 20 de Setembro; ler na íntegra.)

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