quinta-feira, 22 de fevereiro de 2007

Victor Hugo: «Je veux l´Église chez elle et l´État chez lui»

«Messieurs, toute question a son idéal. Pour moi, l'idéal de cette question de l'enseignement, le voici : l'instruction gratuite et obligatoire. (Très bien ! très bien!) Obligatoire au premier degré, gratuite à tous les degrés. (Applaudissements à gauche.) L'instruction primaire obligatoire, c'est le droit de l'enfant (mouvement) qui, ne vous trompez pas est plus sacré encore que le droit du père et qui se confond avec le droit de l'État.
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Les portes de la science toutes grandes ouvertes à toutes les intelligences ; partout où il y a un champ, partout où il y a un esprit, qu'il y ait un livre. Pas une commune sans une école, pas une ville sans un collège, pas un chef-lieu sans une faculté. (Bravos prolongés.)
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Voilà comme je comprendrais l'éducation publique nationale. Messieurs, à côté de cette magnifique instruction gratuite, sollicitant les esprits de tout ordre, offerte par l'État, donnant à tous, pour rien, les meilleurs maîtres et les meilleures méthodes, modèle de science, et de discipline, normale, française, chrétienne, libérale, qui élèverait, sans nul doute, le génie national à sa plus haute somme d'intensité, je placerais sans hésiter la liberté d'enseignement, la liberté d'enseignement pour les instituteurs privés, la liberté d'enseignement pour les corporations religieuses ; la liberté d'enseignement pleine, entière, absolue, soumise aux lois générales comme toutes les autres libertés, et je n'aurais pas besoin de lui donner le pouvoir inquiet de l'État pour surveillant, parce que je lui donnerais l'enseignement gratuit de l'État pour contrepoids. (Bravo ! bravo !).
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A ce point de vue restreint, mais pratique, de la situation actuelle je veux, je le déclare, la liberté de l'enseignement ; mais je veux la surveillance de l'État, et comme je veux cette surveillance effective, je veux l'État laïque, purement laïque, exclusivement laïque. L'honorable M. Guizot l'a dit avant moi, en matière d'enseignement, l'État n'est pas et, ne peut pas être autre chose que laïque.
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0n nous dit : Vous excluez le clergé du conseil de surveillance de l'État ; vous voulez donc proscrire l'enseignement religieux ?
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Jusqu'au jour, que j'appelle de tous mes vœux, où la liberté complète d'enseignement pourra être proclamée, et en commençant je vous ai dit à quelles conditions, jusqu'à ce jour-là, je veux l'enseignement de l'Église en dedans de l'Église et non dehors. Surtout je considère comme une dérision de faire surveiller, au nom de l'État, par le clergé l'enseignement du clergé. En un mot, je veux, je le répète, ce que voulaient nos pères, l'Église chez elle et l'État chez lui. (Très bien !)
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Je m'adresse, non certes, au vénérable évêque de Langres, non à quelque personne que ce soit dans cette enceinte, mais au parti qui a, sinon rédigé du moins inspiré le projet de loi, à ce parti à la fois éteint et ardent, au parti clérical. Je ne sais pas s'il est dans le gouvernement, je ne sais pas s'il est dans l'Assemblée (mouvement) ; mais je le sens un lieu partout. (Nouveau mouvement.) Il a l'oreille fine, il m'entendra. (On rit.) Je m'adresse donc au parti clérical, et je lui dis : Cette loi est votre loi. Tenez, franchement, je me défie de vous. Instruire, c'est construire. (Sensation.) Je me défie de ce que vous construisez. (Très-bien ! très-bien !)
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Votre loi est une loi qui a un masque. (Bravo!)
Elle dit une chose et elle en ferait une autre. C'est une pensée d'asservissement qui prend les allures de la liberté. C'est une confiscation intitulée donation. Je n'en veux pas. (Applaudissements à gauche.)
C'est votre habitude. Quand vous forgez une chaîne, vous dites : Voici une liberté ! quand vous faites une proscription, vous criez : Voilà une amnistie ! (Nouveaux applaudissements.)
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Ah ! nous vous connaissons ! nous connaissons le parti clérical. C'est un vieux parti qui a des états de services. (On rit.) C'est lui qui monte la garde à la porte de l'orthodoxie. (On rit.) C'est lui qui a trouvé pour la vérité ces deux étais merveilleux, 1'ignorance et l'erreur. C'est lui qui fait défense à la science et au génie d'aller au-delà du missel et qui veut cloîtrer la pensée dans le dogme. Tous les pas qu'a faits l'intelligence de l'Europe, elle les a faits malgré lui. Son histoire est écrite dans l'histoire du progrès humain, mais elle est écrite au verso. (Sensation.) Il s'est opposé à tout. (On rit.)
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Et vous voulez être les maîtres de l'enseignement ! Et il n'y a pas un poète, pas un écrivain, pas un philosophe, pas un penseur que vous acceptiez ! Et tout ce qui a été écrit, trouvé, rêvé, déduit, illuminé, imaginé, inventé par les génies, le trésor de la civilisation, l'héritage séculaire des générations, le patrimoine commun des intelligences, vous le rejetez ! Si le cerveau de l'humanité était là devant vos yeux à votre discrétion, ouvert comme la page d'un livre, vous y feriez des ratures (Oui ! oui !) convenez-en ! (Mouvement prolongé.)
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C'est vrai, le parti clérical est habile ; mais cela ne l'empêche pas d'être naïf. (Hilarité.) Quoi ! il redoute le socialisme ! Quoi ! il voit monter le flot, à ce qu'il dit, et il lui oppose, à ce flot qui monte, je ne sais quel obstacle à claire-voie ! Il voit monter le flot, et il s'imagine que la société sera sauvée parce qu'il aura combiné, pour la défendre, les hypocrisies sociales avec les résistances matérielles, et qu'il aura mis un jésuite partout où il n'y a pas un gendarme ! (Rires et applaudissements.) Quelle pitié !
Je le répète, qu'il y prenne garde, le dix-neuvième siècle lui est contraire ; qu'il ne s'obstine pas, qu'il renonce à maîtriser cette grande époque pleine d'instincts profonds et nouveaux, sinon il ne réussira qu'à la courroucer, il développera imprudemment le côté redoutable de notre temps, et il fera surgir des éventualités terribles. Oui, avec ce système qui fait sortir, j'y insiste, l'éducation de la sacristie et le gouvernement du confessionnal !...
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Quoi ! c'est dans ce siècle, dans ce grand siècle des nouveautés, des événements, des découvertes, des conquêtes, que vous rêvez l'immobilité ! (Très-bien !) C'est dans le siècle de l'espérance que vous proclamez le désespoir ! (Bravo !) Quoi ! vous jetez à terre, comme des hommes de peine fatigués, la gloire, la pensée, l'intelligence, le progrès, l'avenir, et vous dites : c'est assez ! n'allons pas plus loin ; arrêtons-nous ! (Dénégations à droite.) Mais vous ne voyez donc pas que tout va, vient, se meut, s'accroît, se transforme et se renouvelle autour de vous, au-dessus de vous, au-dessous de vous ! (Mouvement.)
Ah ! vous voulez vous arrêter et nous arrêter ! Eh bien ! je vous le répète avec une profonde douleur, moi qui hais les catastrophes et les écroulements, je vous avertis la mort dans l'âme (on rit à droite), vous ne voulez pas du progrès ? vous aurez les révolutions ! (Profonde agitation.) Aux hommes assez insensés pour dire : l'humanité ne marchera pas, Dieu répond par la terre qui tremble ! (Longs applaudissements à gauche.)
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